L'histoire des turbocompresseurs en Formule 1 a marqué une révolution dans la quête de puissance des monoplaces. Ces dispositifs ingénieux, utilisant les gaz d'échappement pour comprimer l'air admis dans les cylindres, ont transformé radicalement les performances des bolides de F1 au fil des décennies.
L'ère des premiers turbocompresseurs en F1
La fin des années 1970 marque un tournant dans l'histoire de la Formule 1 avec l'apparition des premiers moteurs suralimentés par turbocompresseur. Cette innovation technique allait redéfinir les standards de puissance dans la discipline reine du sport automobile et ouvrir une nouvelle page de compétition entre constructeurs.
Le règne de Renault avec la RS01
En 1975, Renault lance un programme ambitieux de développement d'un moteur turbocompressé pour la Formule 1. La marque française fait débuter sa RS01 en 1977, rapidement surnommée « lathéièrejaune » en raison de ses panaches de fumée blanche lors des nombreuses casses moteur. Cette période d'apprentissage difficile débouche finalement sur un succès historique: le 1er juillet 1979, Jean-Pierre Jabouille remporte le Grand Prix de France à Dijon-Prenois au volant de la Renault RS10, signant la première victoire d'une monoplace à moteur turbo en F1. Ce triomphe valide la vision du constructeur français qui avait osé défier les moteurs atmosphériques de 3,0 litres avec son petit bloc de 1,5 litre suralimenté.
Les défis techniques des années 70-80
L'intégration des turbocompresseurs en Formule 1 s'est heurtée à de nombreux obstacles techniques. Le temps de réponse du turbo (connu sous le nom de « turbolag »), la gestion thermique et la fiabilité représentaient des problèmes majeurs. Les moteurs turbo de cette époque se caractérisaient par une puissance impressionnante mais une conduite délicate, nécessitant une adaptation des pilotes. BMW rejoint la course au turbo et marque l'histoire avec son moteur qui propulse Nelson Piquet vers le titre mondial en 1983. La puissance des moteurs monte en flèche, atteignant 900 chevaux en course et dépassant les 1000 chevaux en qualification. Face à cette escalade et aux risques associés, la FIA introduit progressivement des limitations, d'abord sur la pression des turbos (4 bars puis 2,5 bars), avant de les interdire complètement en 1989, mettant fin à la première ère turbo de la Formule 1.
L'interdiction et le retour du turbo en F1
Le turbocompresseur a marqué l'histoire de la Formule 1, alternant entre périodes de gloire et d'absence. D'abord utilisé en compétition dès les années 1950, le turbo a connu son apogée dans les années 1980 avant de disparaître puis de faire un retour remarqué en 2014. Cette technologie a non seulement transformé les performances des monoplaces mais a aussi accompagné l'évolution des règlements de la plus prestigieuse des compétitions automobiles.
Les raisons de la suppression en 1989
À la fin des années 1970, Renault introduisit le turbocompresseur en Formule 1, une innovation qui fut rapidement adoptée par les autres constructeurs. Cette période fut marquée par une véritable course à la puissance. Les moteurs turbo atteignaient des performances extraordinaires : 900 chevaux en course et plus de 1000 chevaux en qualification. BMW alla même jusqu'à développer des unités produisant 1400 à 1500 chevaux lors des qualifications avec son moteur 1.5L turbo.
Face à cette escalade, la FIA dut intervenir pour des raisons de sécurité. Les monoplaces devenaient trop rapides et dangereuses pour les pilotes. La consommation excessive de carburant et les préoccupations liées à la pollution jouèrent également un rôle dans cette décision. La Fédération commença par limiter la pression des turbos à 4 bars, puis à 2.5 bars, avant de les interdire complètement en 1989. Cette année-là, seuls les moteurs atmosphériques de 3500 cm³ furent autorisés, avec des puissances avoisinant les 800 chevaux.
La réintégration des turbocompresseurs en 2014
Après 25 ans d'absence, le turbo fit son grand retour en Formule 1 en 2014, dans un contexte très différent. La FIA imposa alors une nouvelle génération de moteurs: des V6 1.6L turbo hybrides. Ces blocs étaient limités à 15 000 tours/minute avec une cylindrée de 1 600 cm³, bien loin des monstres des années 80.
Cette réintroduction s'inscrivait dans une démarche plus écologique, avec l'adoption simultanée de technologies hybrides. Le KERS (système de récupération d'énergie cinétique), apparu en 2009, avait déjà préparé le terrain. Les nouveaux moteurs combinaient un bloc thermique avec un MGU-K (générateur électrique) de 160 chevaux, pour une puissance totale dépassant progressivement les 1000 chevaux en 2019.
La réglementation limitait également à 5 le nombre de moteurs par saison, encourageant la durabilité. Mercedes profita pleinement de ce changement, dominant la discipline avec une année record en 2016 (20 poles et 19 victoires sur 21 épreuves). Ferrari suivit le mouvement, les deux constructeurs atteignant environ 900 chevaux et se rapprochant du seuil symbolique des 1000 chevaux. Cette nouvelle ère du turbo en F1 a vu Lewis Hamilton remporter les titres de 2014 et 2015 avec Mercedes, rejoignant ainsi d'illustres champions du turbo comme Nelson Piquet, Niki Lauda, Alain Prost et Ayrton Senna dans les années 1980.
Les pilotes qui ont marqué l'ère turbo
L'introduction des moteurs turbocompressés en Formule 1 a révolutionné ce sport automobile et propulsé plusieurs pilotes vers la gloire. Cette période, marquée par des bolides développant des puissances extraordinaires, a vu naître des rivalités légendaires. Dans les années 1980, l'ère turbo a atteint son apogée avec des voitures dépassant parfois les 1400 chevaux, transformant la discipline et ses protagonistes.
La domination de Nelson Piquet et Niki Lauda
Nelson Piquet s'est imposé comme l'un des maîtres de l'ère turbo en remportant deux titres mondiaux avec des voitures équipées de cette technologie. En 1983, au volant d'une Brabham-BMW dotée d'un moteur 1.5L turbo capable de délivrer jusqu'à 1400 chevaux en qualification, le Brésilien a décroché son second titre mondial. Quatre ans plus tard, en 1987, Piquet a récidivé avec Williams-Honda, prouvant sa capacité à maîtriser ces véritables monstres mécaniques.
Niki Lauda, déjà double champion du monde avant l'ère turbo, a marqué cette période en 1984. L'Autrichien a remporté son troisième et dernier titre mondial au volant d'une McLaren propulsée par un moteur TAG Porsche turbocompressé. Ce succès était d'autant plus remarquable qu'il survenait après son retour à la compétition suite à son grave accident de 1976. La capacité de Lauda à s'adapter à cette nouvelle technologie, plus puissante mais aussi plus imprévisible, témoignait de son intelligence de pilotage et de sa fine compréhension technique.
Le talent d'Alain Prost face aux monstres de puissance
Alain Prost s'est distingué durant l'ère turbo par sa maîtrise exceptionnelle de ces monoplaces surpuissantes. Le Français a conquis ses deux premiers titres mondiaux en 1985 et 1986 avec McLaren-TAG Porsche, exploitant parfaitement les qualités de son moteur turbocompressé. Face à des bolides développant jusqu'à 900 chevaux en course et bien davantage en qualification, Prost a imposé son style de pilotage précis et économe.
Cette période a aussi vu l'émergence d'Ayrton Senna, qui a remporté son premier titre mondial en 1988 au volant d'une McLaren-Honda turbo. Cette saison mythique, avant l'interdiction des turbos par la FIA en 1989, a mis en lumière le duel entre Prost et Senna, deux approches différentes face à la puissance brute des moteurs turbo. La gestion du turbolag (temps de réponse du turbocompresseur) et de la consommation excessive constituaient des défis majeurs que ces pilotes d'exception ont su relever, avant que la réglementation ne mette fin à cette première ère turbo en F1 pour des raisons de sécurité, de consommation et de pollution.